Discours présidentiel de Lisa Mazzone
Chères Vertes, Chers Verts,
Liebe Grüne,
Care e cari Verdi,
C’est aujourd’hui ma quatrième Assemblée des délégué-e-s en tant que présidente et je dois vous dire que les AD, dans le vaste cahier des charges de la présidence, font clairement partie de mes high lights. A Renens, à Bâle, à Herisau : ça a été pour moi, à chaque fois, une grande joie de vous retrouver. De sentir votre engagement, votre confiance dans le projet Vert. Mais cette semaine, c’est particulier. Cette semaine, je pense qu’il nous est arrivé à toutes et à tous de nous arrêter un instant pour reprendre nos esprits. Il y a quelque chose dans l’air. Le sentiment que nous allons vers des temps sombres.
*** Ce que veut Trump ***
En quatre mots, Trump a rappelé au monde qui il est.
«We will drill, baby, drill.» Retrait de l’Accord de Paris sur le climat. Déportation de millions de migrantes et migrants. Amnistie massive des criminels d’extrême droite. Atteinte aux droits fondamentaux des minorités sexuelles. Attaques contre la justice. Contre les pays voisins. Retour au credo : pétrole, Dieu et impérialisme.
Évidemment, nous nous attendions au pire depuis son élection. Mais lorsque cela se produit réellement, avec une telle violence comme cette semaine, cela n’en est pas moins effrayant et révoltant. Oui, nous allons vers des temps sombres.
*** Pas mieux : le Conseil fédéral ***
Et nous ne pouvons pas nous consoler en nous disant que les choses se passent différemment en Suisse. Le brouillard est aussi au-dessus de nos têtes.
« Je préfère quand il fait chaud plutôt que quand il fait froid. » En quelques mots, Albert Rösti a rappelé à la Suisse qui il est : un lobbyiste des énergies fossiles et du nucléaire, assis dans le fauteuil du ministre de l’environnement. Sa politique climatique ? Aussi désastreuse que celle de Trump. Si l’on compare les mesures climatiques de la Suisse avec celles annoncées par Trump, on arrive à peu près à la même conclusion. Non, la politique climatique suisse n’est pas exemplaire. La politique climatique suisse est catastrophique. Et plus catastrophiques encore seront ses conséquences à l’avenir. Mais Albert Rösti n’est pas seul au Conseil fédéral. Karin Keller Sutter a un plan, elle aussi.
Des prix plus élevés pour les transports publics.
Moins de subventions pour les primes maladie.
Des frais de scolarité plus élevés pour les étudiantes et étudiants.
Moins d’argent pour l’AVS.
La fin des subventions pour les rénovations énergétiques.
Pas le moindre train de nuit supplémentaire.
Plus de financement pour les crèches.
Le domaine le plus touché par les coupes ? L’environnement et le climat. Et alors que des coupes sont effectuées partout, des milliards supplémentaires sont injectés dans l’armée. Ce n’est pas un hasard – c’est le passage en force idéologique de l’alliance PLR-UDC. Le Conseil fédéral No Future est en marche. Plein gaz – retour aux années quatre-vingt. Autoroutes, armée, atome. Là aussi, on est tenté de dire : des temps sombres.
Mais en réalité, ce n’est pas le cas.
Car ce qui compte, ce ne sont pas les fantasmes de Trump. Ni les lubies de Rösti. Pas plus que KKS et compagnie. Ce qui compte, ce sont les votantes et votants. Et elles et ils ont tranché !
Aujourd’hui, cela fait presque exactement deux mois. Vous savez de quoi je parle !
La population a dit NON aux méga-autoroutes. Non à plus de voitures, plus de bruit, plus de béton. Non à plus d’embouteillages, plus de pollution, plus d’accidents. Non au bétonnage de précieuses terres agricoles. NON au gaspillage de milliards pour des visions du passé. C’était un « non » retentissant, un « non » de résistance. Pas de cela !
On peut le souligner : du côté de celles et ceux qui prétendent savoir ce qui préoccupe tout particulièrement « le peuple », personne ne l’a vu venir. Personne ne l’a senti. Sauf nous, chères Vertes, chers Verts. Sauf nous.
Vous vous souvenez ? Il y a deux ans, lorsque nous avons exposé les problèmes des méga-autoroutes au parlement? L’absurdité de cette extension autoroutière ? On s’est moqué de nous ! Même chez nos alliés de gauche, il y a eu des abstentions. Ça ne vaut pas la peine de se battre contre ça, disaient certain-e-s. C’est une perte de temps. Ça passera de toute façon. La Suisse est un pays de voitures.
C’est faux ! La Suisse n’est plus la Suisse de nos grands-parents. La Suisse est un pays de piétonnes et piétons, de cyclistes, un pays de transports publics, un pays d’avenir !
Et comment y sommes-nous parvenu-e-s ? En nous engageant. Les associations, les partis locaux, les scientifiques, la société civile. Toutes et tous, ensemble. Et lorsque le lobby automobile, pris de panique, a jeté des millions supplémentaires dans la bataille, nous nous sommes engagé-e-s avec encore plus de détermination. Et – toutes et tous ensemble – nous avons remporté cette victoire. Il était donc d’autant plus difficile pour les commentatrices et commentateurs d’admettre à quel point elles et ils s’étaient trompé-e-s. En tout cas au début.
Le mouvement Vert a gagné ? Au grand jamais ! Le lendemain, le Tages Anzeiger annonçait qu’il s’agissait d’un résultat anti-immigration. Une victoire de l’UDC !
Je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Malgré toutes leurs tentatives, cette victoire, personne ne nous l’enlèvera.
Le 24 novembre, les votantes et votants étaient avec nous. Et non avec Blocher.
Le 24 novembre, ce n’est pas l’UDC qui a écrit l’histoire. C’est nous qui l’avons fait. Tout dernièrement, même la NZZ a dû l’admettre, mais en tout petit dans la marge. Il ne faut pas exagérer tout de même !
Bien sûr que les votantes et votants veulent protéger l’environnement ! Bien sûr qu’elles et ils se font du souci. Face aux centaines de voitures qui passent sous leurs fenêtres. Face à la disparition de la nature sous le béton. Face à l’urgence climatique. Qui provoque catastrophe sur catastrophe. Que cela plaise ou non à l’establishment qui met la protection du climat sous le tapis depuis quatre ans, les sondages sont clairs.
Contre le programme « autoroutes, armée, nucléaire » du Conseil fédéral No Future, nous avons gagné la première bataille.
Et si le Conseil fédéral continue d’ignorer les réalités quotidiennes, s’il continue d’ignorer les grands enjeux de notre temps – le climat, le creusement des inégalités et la cohésion. S’il continue de passer en force avec sa liste de vœux de l’UDC et du PLR, nous continuerons de gagner !
Je l’ai déjà dit l’été dernier : avec cette majorité à Berne, cela sera une législature de référendums. Et nous, les VERT-E-S, nous sommes prêt-e-s !
Mais, chères Vertes, chers Verts, nous ne faisons pas de la politique uniquement pour éviter le pire. Nous voulons aussi concrétiser nos valeurs. Une Suisse plus ouverte, plus solidaire, plus écologique. Un monde plus juste. C’est donc à nous d’avancer. D’avancer vers l’avenir.
C’est à nous d’opposer nos valeurs à la politique dangereuse de Trump et de Rösti. Et c’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.
Et c’est précisément maintenant, alors qu’un délinquant méprisant les femmes et les minorités est devenu président de la première puissance mondiale, que nous devons renforcer les droits fondamentaux. Ainsi que la reconnaissance et le respect de tous les êtres humains, quelle que soit leur identité de genre. Luttons contre la haine et la violence ! Nous le faisons avec la résolution « La pluralité des identités de genre : une richesse pour notre société. »
C’est précisément maintenant, alors que des hommes toxiques de part et d’autre de l’Atlantique veulent revenir en arrière, que nous devons poser les bases d’une politique familiale moderne. Une politique familiale qui dépasse le modèle traditionnel. Une politique familiale qui ne se fait plus sur le dos des mères. Une politique familiale dans laquelle les parents partagent les responsabilités, se répartissent les tâches de manière équitable et où les deux parents sont présents pour leurs enfants. C’est pour cela, chères Vertes, chers Verts, que nous lançons l’initiative pour un congé familial.
C’est précisément maintenant, alors que les mesures climatiques et l’égalité des chances sont sous pression, que nous devons dénoncer dans les termes les plus clairs le dangereux paquet de coupes budgétaires du Conseil fédéral. Et préparer le référendum.
C’est précisément maintenant, alors que retentit « America first », que nous devons affirmer haut et fort que l’Europe est notre rempart. Nous partageons les mêmes valeurs : la démocratie, les droits humains, l’indépendance de la justice. Et nous voulons les défendre ensemble. Les accords pour une relation plus étroite se trouvent maintenant sur la table. Et précisément maintenant, nous disons OUI. Et nous le disons aussi pour que les gens qui travaillent ici aient davantage de droits. Ils ne sont pas seulement de la main d’oeuvre. Ce sont des êtres humains. Et ils doivent enfin obtenir plus de sécurité.
Et nous attendons du Conseil fédéral qu’il garantisse également la protection des salaires. Car on le sait par expérience : la lutte contre le dumping salarial est essentielle si l’on veut une acceptation sociale. Le Conseil fédéral doit se positionner : veut-il vraiment ces accords ? Si oui, cela ne peut se faire qu’avec des mesures d’accompagnement crédibles. Il est grand temps pour lui de ne plus laisser économiesuisse et Swissmem gouverner, mais de proposer lui-même les solutions pour que le principe « même salaire au même endroit pour un même travail » soit appliqué.
Chères Vertes, Chers Verts, je vais vous faire une confidence : aujourd’hui, j’ai 37 ans. Et pour moi, comme pour des générations entières, l’Europe est tout simplement une évidence.
Si la droite veut isoler la Suisse, nous devons réaffirmer que la liberté de mouvement est notre réalité quotidienne. C’est ma voisine, mon camarade d’école, le professeur de mon fils, la personne qui s’occupe de ma grand-mère, le jardinier du quartier. Ce sont les jeunes qui connaissent mieux Berlin et Paris que Lausanne et Saint-Gall, ce sont les étudiantes et étudiants qui passent un semestre à Amsterdam, c’est le club de football qui se rend à Barcelone pour un tournoi. L’ouverture et la solidarité au-delà des Etats. Tout cela est notre réalité.
Et lorsque la droite affirme que l’Europe est dangereuse, nous devons rappeler sans sourciller que l’Europe mène la politique climatique que la Suisse ne mène pas. Qu’elle adopte des normes ambitieuses en matière d’égalité salariale ou de responsabilité des multinationales. Ce n’est pas l’Europe qui est dangereuse. C’est le repli.
Ces débats sont dépassés. L’Europe est une évidence.
Et c’est précisément maintenant, alors que des nuages gris et épais s’amoncellent au-dessus de nos têtes, que nous devons réaffirmer notre fierté. De porter des valeurs d’ouverture, de solidarité et d’égalité. Vis-à-vis de chaque être humain. Et vis-à-vis de la nature.
Car aucun Trump, aucun Musk, aucune Weidel, aucun Kickl, aucune Meloni, aucun Rösti ne nous fait peur. Parce que nous sommes uni-e-s. Parce que nous résistons.
Et cette mobilisation a commencé depuis un moment. Lors de la 13ème rente AVS. Elle s’est poursuivie le 24 novembre. Et elle se répète actuellement :
En seulement deux semaines, des milliers de militantes et militants ont récolté plus de 180’000 signatures pour mettre fin aux violations des droits humains et à la destruction de l’environnement à l’étranger par les multinationales suisses. Voilà comment fonctionne la politique en Suisse.
Chères Vertes, Chers Verts, ne laissons pas le brouillard obscurcir notre vision. Vent debout, défendons nos valeurs. Et fêtons ! Car nous avons gagné. Et nous gagnerons encore.
Et maintenant, trinquons !