En route vers les élections « du climat » !

Chères Vertes, chers Verts,

Quel plaisir de vous retrouver ici : reposé‑e‑s, résolu‑e‑s et avec l’envie d’en découdre, ce qui est plus nécessaire que jamais ! Car si la pause estivale a été caniculaire, l’automne ne le sera pas moins !

Quelque chose a changé ces derniers mois. La nature nous montre – à l’évidence – qui est aux commandes. Pas les calculs d’apothicaire, ni les tigres de papier, ni les beaux parleurs. Non ! le soleil : 44°C en Californie, 33°C en Sibérie, sécheresse et pertes agricoles en Europe, incendies de forêt en Suède et en Grèce… le monde sue et meurt de soif… autour de nous !

Il s’agit bien sûr de la crise climatique ! Nous savons qu’elle a lieu. Nous savons que l’humanité en est responsable. Nous savons que nous devons agir rapidement. Nous toutes et tous, en tant qu’individu, ainsi que les milieux économiques et politiques.

L’Assemblée fédérale se penche – depuis des mois – sur une nouvelle loi relative au CO2. Elle a ratifié l’accord de Paris sur le climat. Un seul parti était contre. Je vous laisse deviner lequel. Tous les autres ont participé… mais parfois je me demande s’ils ont réellement lu l’accord. Car la tâche est herculéenne. Il ne s’agit – en effet – de rien de moins que de renoncer complètement au gaz, pétrole et charbon d’ici 2050. 2050, c’est dans 30 ans. Donc bientôt !

Heureusement, la technologie nous aide. Des chercheuses et chercheurs et des entrepreneuses et entrepreneurs visionnaires développent depuis des années des procédés ménageant l’environnement, investissent dans l’énergie verte, encouragent l’économie circulaire. Et créent des emplois locaux tout en réduisant les coûts. Et tout le monde y gagne. Ce qui est cependant absurde c’est qu’il s’agit toujours de niches. Et que fait-on au Palais fédéral ? On scie la faible branche sur laquelle on est assis.

Vous connaissez les faits : c’est d’abord la conseillère fédérale Doris Leuthard. Elle n’entrera pas seulement dans l’histoire comme bâtisseuse du 2e tunnel routier au Gothard, mais également comme girouette en matière de sortie du nucléaire. La remise en service de la plus vieille centrale au monde a réduit à néant toutes les promesses d’une nouvelle politique énergétique en Suisse. Il n’y a pas de plan de sortie, pas de sécurité des investissements et guère de progrès dans le développement du courant vert. Savez-vous à combien se monte la consommation de courant solaire en Suisse en 2017 ? 2,8 pourcent ! La Suisse fait encore une fois office de lanterne rouge européenne en matière de politique environnementale. Autrefois, on attachait encore de la valeur à l’esprit pionnier ou à l’ambition. Aujourd’hui, l’ambition est honnie. Pas chez les Verts. Mais dans les partis de la droite toute.

Même les géants de l’énergie ne font pas mieux. L’année passée, Alpiq, Axpo, BKW/FMB et Repower ont produit deux tiers en moyenne de leur courant à partir des énergies fossiles ou nucléaires. En comparaison avec 2016, leurs émissions CO2 ont même considérablement augmenté – malgré l’accord de Paris sur le climat.

Cependant, ils ne sont pas seuls. Ils sont en très bonne compagnie avec les importateurs automobiles. Ceux-ci réussissent effectivement à faire entrer en Suisse des voitures toujours plus lourdes et plus grosses. Et ne sont même pas sanctionnés pour cela. Au contraire : le chef de l’Office fédéral des routes veut élargir les routes et construire des autoroutes à deux étages pour ces « tanks ». L’année passée, pour la première fois en 20 ans, les émissions CO2 des nouvelles automobiles sont reparties à la hausse. A quoi sert donc tout le progrès technologique, si on fait mine de l’ignorer ? Une chose est claire pour moi : les milieux politiques doivent poser un cadre contraignant pour passer à l’ère post-fossile, faute de quoi nous n’y arriverons pas. Ils doivent instaurer des règles de jeu et des cartons rouges. Comme l’a si bien dit Erich Fried : vouloir que le monde reste tel qu’il est, c’est vouloir qu’il ne reste pas.

Le tournant ne peut réussir que si les Verts deviennent plus forts. Cela dépend de nous, notamment en politique climatique. Il y a 10 ans exactement, les Jeunes Verts ont lancé leur initiative contre les 4×4. Ils l’ont retirée car le Conseil fédéral leur a promis une mise en œuvre plus rapide par voie législative. Aujourd’hui, nous savons que c’était du blabla. Si nous ne voulons pas que le monde se consume, il nous faut prendre un nouveau départ. Et créer de nouvelles coalitions. Mais surtout, nous avons besoin de gagner les élections nationales 2019. Car l’enjeu des élections nationales 2019 sera le climat.

Quelque chose a changé ces derniers mois. De plus en plus de gens savent que la politique des petits pas ne nous mènera pas loin. Il ne suffit plus d’acheter un frigo plus performant, ni d’optimiser la séparation des déchets. Il s’agit de questions beaucoup plus fondamentales. Il s’agit de préserver nos conditions de vie à long terme. Il s’agit de répartir équitablement des ressources limitées. Il s’agit de dépasser la croissance et le profit à tout prix. Il s’agit d’utiliser la technologie à bon escient, sans nous y soumettre. Il s’agit de préserver des emplois et des revenus à l’heure numérique. Il s’agit d’équité et de répartition, bien au-delà de nos frontières. Il s’agit des droits fondamentaux et du respect de la diversité au sein de la société. Il s’agit de bien vivre… dans un monde à échelle humaine.

Tel est le cœur du programme des Verts. Cependant, il ne suffit pas de se faire applaudir par les siens. Les défis sociétaux sont trop grands. Il nous faut réussir à convertir le succès des thèmes verts en force politique. Nous sommes en bonne voie.

Ne serait-ce qu’avec la campagne en faveur des « aliments équitables », nous avons atteint une nouvelle envergure sociale. Paysannes et paysans, organisations de consommateurs, grandes toques de la gastronomie suisse, protection des animaux et œuvres d’entraide… tous soutiennent notre initiative. Le premier sondage était si sensationnel qu’economiesuisse & Co. ont dû sortir l’artillerie lourde. Jusqu’au soir de la votation, ils ne vont cesser de nous diffamer et de pratiquer l’intox – nous en connaissons déjà un rayon. Cependant, il n’y a aucune raison de perdre notre calme. Car nous n’avons rien à perdre dans cette campagne, mais tout à y gagner. Grâce à une alliance avec les milieux agricoles, nous avons déjà pu inscrire l’objectif du commerce durable dans la Constitution. Nous montrons maintenant comment le mettre en œuvre. Nous mettons au jour des thèmes qui végètent dans l’ombre de la politique au jour le jour. Nous parlons de la valeur de la nourriture, de justice, de la dignité humaine, du bien-être animal et des règles catastrophiques du commerce mondial.

Je recommande à toute personne critiquant notre initiative de relire le rapport sur l’agriculture mondiale de la Banque mondiale et de l’ONU. Banque mondiale et ONU n’ont pourtant pas la réputation d’être des écolos purs et durs. Et pourtant leur rapport montre que le marché mondial actuel des produits agricoles ne sert pas à nous approvisionner en aliments sains, ni à les produire de manière durable. Non, il encourage l’agriculture industrielle et les profits de l’agro-industrie. Il détruit le revenu paysan et nos conditions de vie.

Or, le commerce mondial détruit également la confiance en la politique. Il est impératif d’inverser la tendance. Il nous faut donner encore plus de poids à cet aspect d’ici la votation. Car, lorsque nous parlons de libre-échange effréné, nous parlons aussi des racines du populisme de droite, qui remet en cause la démocratie à l’échelle planétaire.

En 1997 déjà, Dani Rodrik, économiste à Harvard, a étudié les interactions entre hyperglobalisation et nationalisme de droite. A l’époque, il était clair pour lui que seules des réformes intelligentes des règles du commerce globalisé pouvaient empêcher de retomber dans le nationalisme et dans l’isolationnisme à la Trump. Pour les Verts, il s’agit de la « troisième voie », qui se nomme « commerce équitable », au lieu de libre-échange effréné. L’OMC dysfonctionne complètement, a dit Rodrik cet été dans le Financial Times. Un commerce équitable qui fonctionne devrait laisser place à la diversité, et cela dans tous les pays. C’est exactement l’objectif de l’initiative pour des aliments équitables. Nous en saurons bientôt plus lors de la discussion qui va suivre. Quiconque veut des aliments produits de manière équitable, quiconque accorde de l’importance à la protection des animaux et de l’environnement, vote pour l’initiative.

Après les canicules de cet été, un automne tout aussi « caniculaire » s’annonce. Nous devons nous battre sur tous les fronts. Lors des campagnes en faveur de l’arrêté « vélo » et de l’initiative pour la souveraineté alimentaire sur lesquels on votera le 23 septembre. Lors des débats très controversés sur le Projet fiscal 17, où l’on nous ressert le même breuvage sous une nouvelle étiquette. Lors de la préparation des élections « du climat » de l’année prochaine. Et bien sûr aussi lors des élections cantonales ici à Zoug. Nous souhaitons aux Alternatifs et Verts zougois plein succès. Depuis plus de 40 ans, vous vous engagez ici – au cœur de la maximalisation globalisée du profit, peu concernée par les règles équitables, la responsabilité entrepreneuriale ou la justice fiscale. Vous vous engagez en faveur des personnes qui souffrent qu’une petite élite mondiale s’en mette toujours plus dans les poches. Nous voulons que cela change. Et le vent nous est favorable.

Les élections à Zoug et les élections nationales 2019 sont des élections « du climat » au sens propre et au sens figuré. Car nous décidons également sur le climat social et économique dans notre pays. Le virement à droite du Parlement nous a mené partout dans l’impasse. Et nous pouvons changer la donne. D’une voix calme, avec flegme, mais le cœur résolu, nous combattons pour la justice et l’humanité. La victoire appartient aux plus passionnés… et c’est nous !

discours présidentiel (PDF)