Que les multinationales ayant leur siège en Suisse ne puissent plus violer les droits humains ou détruire l’environnement en toute impunité est une évolution juste et logique. Les citoyen-ne-s en Suisse pourront ainsi consommer sereinement sans craindre les dégâts causés par leurs achats à l’autre bout du monde. En outre, il n’est pas acceptable que les comportements irrespon­sables soient aujourd’hui récompensés et représentent un avantage concurrentiel pour les multinationales sans scrupules face aux entreprises qui font des affaires en respectant les droits humains et l’environnement.

Les associations de défense des consommateurs soutiennent d’ailleurs cette initiative qui permettra une consommation plus responsable et soumet l’ensemble des entreprises aux mêmes règles.

Surtout ne rien changer

Selon les réponses au questionnaire smartvote, le Conseil national serait même en majorité favorable à l’initiative pour des multinationales respon­sables soutenue par une large coalition d’ONG de droits humains et de protection de l’environnement. Tant mieux ! Mais arrivera-t-il à accoucher d’un con­tre-projet crédible ? Peu probable.

Le Conseil national a accepté par deux fois un contre-projet indirect à l’initiative qui prévoit des règles minimales contre les plus graves violations des droits humains commises par des multina­tionales. Une fois n’est pas coutume lors de cette dernière législature, la chambre basse a ainsi été plus raisonnable que la chambre haute. En effet, en soutenant une mesure dilatoire du sénateur PLR Noser, le Conseil des Etats a repoussé, lors de la session d’automne 2019, à nouveau sa décision sur l’initiative. Les VERT-E-S se sont insurgés contre ce procédé. La conseillère fédérale Karin Keller Sutter a ensuite proposé d’enjoindre les multinationales à publier un rapport sur leurs efforts éventuels. À bien plaire, car la mesure ne serait pas obligatoire. Et pendant la session d’hiver 2019, le Conseil des Etats a finalement décidé de soutenir le contre-projet vide et sans effet réel de la conseillère Keller Sutter, dépouillé du mécanisme de responsabilité, dans lequel les personnes qui subissent des dommages n’ont aucun accès à des réparations.

Cela revient donc à défendre le statu quo. Or ce dernier est inacceptable : des multinationales comme Glencore expulsent des paysannes de leurs terres et Syngenta exporte des pesticides toxiques en Inde, alors qu’ils sont interdits chez nous depuis longtemps.

Rendez-vous en 2020

Lors de la session de printemps 2020, le dossier retourne au Conseil national. S’il maintient son soutien à son propre contre-projet, les initiant-e-s retireront leur initiative. S’il décide de soutenir le contre-projet alibi de la conseillère fédérale, le peuple votera, vraisemblablement en automne 2020. Economiesuisse fourbit déjà ses armes et en fait un de ces combats principaux pour 2020. Les initiant-e-s et leurs soutiens, dont les VERT-E-S font largement partie, ne sont pas en reste, et l’engagement de la population se fait sentir avec la création de comités locaux dans tout le pays.

Sophie Michaud Gigon
conseillère nationale VD
@smichaudgigon