Monsieur le Président de la Confédération,
Mesdames les Conseillères fédérales,
Messieurs les Conseillers fédéraux,

Depuis que l’autocrate russe Vladimir Poutine a attaqué l’Ukraine en février dernier, le monde entier retient son souffle. Son appareil étatique s’en prend ainsi directement à l’Europe et à ses valeurs de démocratie et de liberté. Or, étroitement lié-e-s à Poutine, des oligarques russes y sont parties prenantes.

La Suisse applique à juste titre les sanctions contre la Russie et différentes personnalités de son élite. Il est néanmoins honteux qu’il soit encore possible en Suisse de placer en douce de l’argent provenant de l’appareil étatique russe – ou d’autres sources suspectes – et de le blanchir. On ne sait ainsi pas qui participe aux entreprises et aux affaires en Suisse. Et ce sont souvent les autorités étrangères qui nous apprennent, par voie de communiqué, qu’elles enquêtent sur des entreprises ayant leur siège en Suisse ou qu’elles ont pris des sanctions contre des personnes en lien avec la Suisse.[1] En raison de son manque de transparence, notre pays se fait complice de dirigeantes ou dirigeants étrangers qui peuvent subrepticement y placer de l’argent, voire continuer à mener leurs affaires.

Ce qui pose ici problème, c’est que le registre du commerce ne mentionne pas les « ayants droit économiques » d’une entreprise. Par conséquent, on ne sait pas qui dirige effectivement une entreprise ni où l’argent de certaines personnes est impliqué. Il y a longtemps que ce manque de transparence est condamné à l’international : en mars dernier, le Groupe d’action financière (GAFI) a réaffirmé qu’un tel registre public des ayants droit économiques doit devenir la norme dans tous les pays.[2] Dans votre réponse à la motion 22.3456 de la conseillère nationale Manuela Weichelt et à la motion 22.3637 de la conseillère aux États Lisa Mazzone, vous annoncez certes haut et fort que vous allez examiner les recommandations du GAFI, raison pour laquelle ces deux motions seraient inutiles. Or, le délai – « Sur la base de cette analyse, il prévoit de soumettre des options de mise en œuvre au Conseil fédéral au troisième trimestre 2022 », est depuis longtemps échu et rien ne s’est passé. La Suisse reste une oasis pour le blanchiment d’argent et les affairistes aux pratiques suspectes et ce sont les communiqués des autorités étrangères qui nous apprennent – au mieux – que des potentats ou autres oligarques et leurs réseaux entrepreneuriaux sont étroitement liés à la Suisse.

Le groupe parlementaire des VERT-E-S invite le Conseil fédéral à instaurer sans délai un registre public des ayants droit économiques, afin de faire toute la lumière sur les participations étrangères aux entreprises suisses. Jour après jour, la Suisse se rend co-responsable de laisser des personnes impunément exploiter, voire cofinancer une guerre dans d’autres pays.

Nous vous remercions de bien vouloir prendre notre requête en considération et restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la Confédération, Mesdames les Conseillères fédérales, Messieurs les Conseillers fédéraux, nos salutations distinguées.

Aline Trede, présidente du groupe parlementaire des VERT-E-S
Manuela Weichelt, conseillère nationale ZG

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[1] Deux exemples de ces dix derniers jours : Communiqué du 14.11.2022 : « En tout, les États-Unis auraient pris des sanctions contre 14 personnes et 28 établissements, notamment contre deux ressortissant-e-s suisses et plusieurs entreprises en Suisse et en France. » (trad. int.) https://www.dw.com/de/ukraine-aktuell-treffen-zwischen-geheimdientschefs-der-usa-und-russlands/a-63744593

Communiqué du 08.11.2022 : https://www.zentralplus.ch/justiz/deutsche-ermitteln-gegen-oligarchen-mit-verbindung-nach-zug-2486703/

[2] «Countries should also require beneficial ownership information to be held by a public authority or body functioning as beneficial ownership registry or may use an alternative mechanism if such a mechanism also provides efficient access to adequate, accurate and up-to-date beneficial ownership information by competent authorities.» https://www.fatf-gafi.org/publications/fatfrecommendations/documents/r24-statement-march-2022.html