Discours présidentiel Regula Rytz – AD 14.01.2017
Discours présidentiel Regula Rytz – Assemblée des délégué-e-s du 14 janvier 2017, La Chaux-de-Fonds (NE).
Notre réponse au populisme : renforcer l’équilibre social et les droits fondamentaux
A La Chaux-de-Fonds, un 3 pièces coûte moitié moins cher qu’en ville de Zurich… peut-être que ce soir quelques Verts en profiteront pour y rester ? En effet, La Chaux-de-Fonds n’a pas seulement le parc locatif le meilleur marché de toutes les grandes villes suisses. C’est aussi une ville moderne, aux multiples trésors Art Nouveau et autres cafés rétros uniques et dont la population se montre à la fois insoumise et perspicace : 60,3 pourcent des votants ont dit Oui à la sortie rapide du nucléaire et 51,4 pourcent Oui à l’initiative pour une économie verte.
La Chaux-de-Fonds est également une des rares villes suisses à ne pas avoir trop de souci à se faire question changement climatique. Selon Wikipedia, d’un point de vue statistique, elle ne souffre de canicule qu’un jour tous les 3 ans. Par contre, il y gèle 151 jours en moyenne par année, sans parler de la neige à revendre. A tout autre endroit moins progressiste, ce serait des conditions idéales pour s’entraîner aux nouveaux sports politiques : slalom, pirouettes et virages casse-cou.
Ce sont des techniques que les partis populistes maîtrisent à la perfection sur l’ensemble de la planète. Par exemple Beppe Grillo, l’acrobate politique italien. Beppe Grillo a récemment voulu quitter le groupe « Europe de la liberté » du vainqueur du Brexit, Nigel Farage, pour entrer dans celui des radicaux libéraux, les turbos de l’UE. Il a failli réussir, si la base ne s’était rebiffée au dernier moment. N’empêche ! Outre-Atlantique, il n’est plus possible de stopper la prise de pouvoir de Donald Trump. Pas un jour sans que Twitter ne fasse état d’une promesse électorale non tenue. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, car 99 pourcent des promesses de Trump s’opposent à une politique verte. Seule exception : sa critique du libre-échange où certains éléments se recoupent, même si nos réponses diffèrent du tout au tout. Normes sociales et écologiques à la place de murs et de frontières – telle est la politique verte.
La peur de la marginalisation, celle du chômage ou de la pauvreté et la peur de l’ingérence étrangère sont des moteurs de la révolution conservatrice actuelle. Or, c’est une vérité amère, voire cynique, que ce soit justement les perdants des partis de droite qui en élisent les représentants. Et ces derniers créent – à dessein et sans vergogne – insécurité et transferts socio-économiques qui leur donnent justement le pouvoir. Ah le pouvoir ! Le pouvoir est le seul objectif de la politique conservatrice, populiste et autoritaire. Le pouvoir des élites et, de plus en plus, le pouvoir de quelques dingues narcissiques. C’est pourquoi ces prochaines années, nous, les Verts, nous ne pourrons pas nous concentrer uniquement sur nos dossiers politiques. Non, nous devrons sans cesse démonter les contradictions, les slaloms, contorsions ou autres virages casse-cou et les combattre avec acharnement, en nous appuyant sur les faits. Double travail, mais nous n’y coupons pas.
La Suisse vit également de plein fouet ce revirement nationaliste. Les délégués UDC tiennent aujourd’hui également leur assemblée, chez leur avant-poste Freysinger en Valais. A l’ordre du jour – qui l’aurait deviné – la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration. Une leçon magistrale de l’art populiste de slalomer. Pour les dirigeants UDC, l’acceptation de l’initiative a été un accident de parcours, qui les oblige maintenant à effectuer des pirouettes on ne peut plus casse-cou. Au lieu de tirer profit des problèmes, ils doivent désormais chercher des solutions… En tournant et tournant comme les derviches ou autres « meules de foin dansantes » lors de l’inauguration du tunnel de base du Gothard.
Un pas vers le maintien des bilatérales, puis un pas en arrière. Blocher fait un pas vers un compromis sur la mise en œuvre, puis il recule. Envisagent-ils de lancer un référendum, qu’ils y renoncent ensuite. Nous, les Verts, nous sommes un parti fiable. Notre politique n’est pas une valse-hésitation. Nous disons ce que nous voulons et nous faisons ce que nous disons : nous nous sommes engagés pour une mise en œuvre de l’initiative qui tienne compte de l’emploi et nous nous y tenons. Nous défendons un contre-projet à l’initiative RASA et nous nous y tenons. Nous voulons inscrire dans la Constitution non seulement les bilatérales, mais également le principe des mesures d’accompagnement, et nous nous y tenons. Car nous avons toujours soutenu la libre-circulation des personnes à condition de combattre la sous-enchère salariale, le travail au noir et d’autres répercussions négatives des marchés du travail globalisés à l’aide de mesures d’accompagnement. Et nous nous y tenons. C’est la seule manière pour que la population accepte la libre circulation des personnes.
Reste à espérer que le PLR le comprenne enfin. L’ouverture ne peut avoir lieu qu’en maintenant l’équilibre social et en posant des règles de jeu équitables. Malheureusement rien n’est moins sûr, vu les expériences de l’année passée. Car, une année après le virage à droite, le bilan est clair : certes les partis bourgeois se crêpent le chignon sur la libre circulation des personnes et sur les questions de société et de droit. Mais lorsqu’il s’agit de fiscalité, de finances, de démantèlement social ou de geler le droit du bail, voire de reculer sur l’environnement, ils font à nouveau copain-copain et bloquent toute avancée pourtant impérieuse et toute chance pour la Suisse. Le dernier exemple : la 3e réforme de l’imposition des entreprises. Elle promet davantage d’impôts pour les familles, les salariés et les rentiers et encourage la désolidarisation, alors que celle-ci favorise la xénophobie et l’isolationnisme.
Mais, malgré ce virage à droite, les Verts ont réussi à marquer l’agenda politique 2016 lors de leurs deux campagnes de votation. Les quelque 46 pourcent de Oui à la sortie programmée du nucléaire sont le meilleur résultat de toutes les initiatives roses-vertes de cette dernière décennie. Ces 46 pourcent n’ont pas seulement dégagé la voie pour la stratégie énergétique 2050, ils nous donnent également la mission de transformer rapidement notre approvisionnement énergétique. Un autre dossier pour les Verts reste la sécurité de nos centrales et la protection de la population contre les caprices financiers de la NAGRA, d’Axpo ou de leur ami, amateur de subventions, Christoph Blocher. Au pire, nous lancerons un référendum pour empêcher que les contribuables paient pour la gestion calamiteuse de l’industrie nucléaire.
Outre des fruits politiques, l’année 2016 nous a également apporté davantage de membres, de dons et des succès électoraux. Les derniers en date : dans le canton de Fribourg, le nombre de sièges au parlement a doublé et Marie Garnier a été confirmée dans sa fonction de conseillère d’Etat. En ville de Berne, les Verts occupent deux des cinq sièges municipaux grâce à Franziska Teuscher et à Alec von Graffenried – et peut-être demain dimanche, la présidence comme à Bâle-Ville. Cet automne, les Verts ont également enregistré des succès lors des élections communales en Valais, à Berne ou à Neuchâtel.
Chères Vertes, chers Verts neuchâtelois, valaisans, vaudois et soleurois : c’est bientôt à vous et on compte sur vous. Vous allez poursuivre sur la lancée de nos succès électoraux. Vous allez gagner : si vous proposez des listes complètes, si vous vous y engagez plein d’idées, de cœur et de convictions, si mutuellement vous vous soutenez, motivez et stimulez, si vous développez – de concert avec la population – une politique claire, constructive et fiable ET si vous misez sur la jeune génération. En effet, dans de nombreux cantons, la jeune génération a contribué aux succès verts.
Et puisqu’il vaut toujours mieux donner l’exemple… je vais aujourd’hui céder une partie de mon discours présidentiel à la jeune génération, à savoir à notre vice-président – Luca Maggi. Avant que je ne lui donne la parole, je souhaite vous remercier chaleureusement, toutes et tous, pour votre précieux travail et pour votre engagement colossal au cours de ces dernières années. En 2017, jeunes et moins jeunes, nous défendrons la liberté, l’équité, la solidarité, l’écologie et la paix. Et naturellement, à l’échelle planétaire. Cet après-midi, nous avons invité un représentant de l’opposition turque, Mithat Sancar. Il nous montrera où peut mener une politique autoritaire et la ruine de la démocratie et des droits humains. Ensuite, les Jeunes Verts présenteront l’initiative « Contre le financement de l’industrie de l’armement », qu’ils lanceront ce printemps avec le Groupe pour une Suisse sans armée. Les Verts y participeront. J’en suis persuadée. Car sans une telle initiative, le monde n’est qu’une poudrière où il n’est pas interdit de fumer.
Renforcer l’équilibre social et les droits fondamentaux, telle est la réponse verte au populisme. Et nous nous y tenons, alliant impertinence savamment ciblée et sagacité charmeuse… en un mot, irrésistible. Merci !