Discours présidentiel Regula Rytz – AD 25.01.2020
Discours présidentiel Regula Rytz – Assemblée des délégué-e-s du 25 janvier, Frauenfeld
Perçons le béton !
Bienvenue dans cette nouvelle décennie, chères Vertes, chers Verts. C’est une décennie du changement, une décennie pleine de décisions, c’est une décennie du mouvement Vert.
Jamais auparavant il n’y a eu autant de bouleversements globaux en même temps. S’il s’agit de donner aux jeunes d’aujourd’hui un bel avenir, on ne peut le confier aux forces implacables du marché. Ni à des pyromanes comme Bolsonaro ou Trump, qui fait même sponsoriser sa campagne électorale par le WEF et donc par la Suisse. On ne peut pas non plus le confier à ceux qui tergiversent ou hésitent comme le président de la Banque nationale M. Jordan. Lequel dit aujourd’hui ouvertement : trop de protection de l’environnement limite les placements possibles. Ce qui ne signifie rien d’autre qu’« après nous le déluge ».
Nous n’avons plus le temps pour de telles irresponsabilités. Le compte à rebours a commencé. Nous devons trouver – d’ici exactement une décennie – une issue à la crise climatique, à la destruction de la biodiversité, à la pollution des mers, des sols et de l’air. Nous devons – maintenant – rendre la mondialisation plus équitable et plus écologique, en établissant de nouvelles règles commerciales, en imposant plus de responsabilités aux entreprises. Nous devons – aujourd’hui – gérer le décollage numérique et l’utilisation de l’intelligence artificielle de manière à rendre les gens… non pas superflus… mais plus libres. Pour y parvenir, nous voulons renforcer la démocratie, l’égalité des chances, les droits fondamentaux, l’esprit critique. Car ceci, chères Vertes, chers Verts, est la base du progrès. Pour une Suisse du 21e siècle moderne, durable et ouverte au monde.
Cette nouvelle décennie sera décisive. Nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps. Il y a peu, Erna Staub des VERT-E-S zurichois m’a envoyé une brochure, publiée en 1983. J’avais 21 ans. Cela vaut la peine de la lire. L’auteur, un journaliste connu, commence par imaginer qu’il jette un regard rétrospectif depuis l’an 2084. Il décrit comment le changement climatique dans des années 90 fictives fait la Une de l’actualité et devient un thème électoral. Et, après l’an 2000, la question numéro 1 pour l’humanité. Comment la calotte glaciaire de l’Antarctique disparaît, le niveau des mers monte, des millions de personnes fuient à l’intérieur des terres. Bref : en 1983, on savait ce qui allait arriver. On savait tout. Vous rendez-vous compte si la politique avait à l’époque fait son boulot ? combien de glaciers auraient pu être sauvés ? combien de millions d’animaux n’auraient pas été brûlés dans l’immense brasier australien de ces dernières semaines ? combien de gens auraient un avenir meilleur ?
Oui, cela fait une différence d’agir ou de rester les bras croisés.
1983, alors que la Commission suisse pour l’UNESCO publiait cette brochure, les VERT-E-S suisses voyaient le jour. Ils ont combattu des projets autoroutiers, des centrales nucléaires, la destruction de paysages. En 1994, ils ont lancé l’initiative « Pour garantir l’AVS – taxer l’énergie et non le travail ! » – le premier projet d’une réforme fiscale écologique en Suisse.
Puis sont venues l’initiative « Pour un climat sain », l’initiative « Stop Offroader », les initiatives pour une économie verte, pour une agriculture équitable et respectueuse de l’environnement, pour la protection des terres agricoles – vous les connaissez toutes.
Oui. Nous avions une longueur d’avance. On nous a ridiculisés, combattus et traités de « boue verte ». Et pourtant aujourd’hui toujours plus de gens en arrivent là où les VERT-E-S ont commencé. Je suis fière de notre histoire et de ce que nous avons atteint : toujours de concert avec des mouvements et des organisations engagées. Le changement est un travail d’équipe. C’est donc positif que d’autres partis découvrent leur ADN Verte. Ce n’est qu’ensemble que nous aurons la force d’aller plus rapidement de l’avant au cours de cette décennie et cela compte. Mais nous aussi, nous comptons… le nombre de promesses non tenues.
Une chose est sûre : après notre succès électoral de cet automne, nous ne pouvons pas nous laisser aller. Nous devons utiliser notre nouvelle force pour donner un coup d’accélérateur à une politique progressiste. Et pourtant on ne nous fera pas de cadeau. Nous l’avons très bien vu lors de l’élection du Conseil fédéral. Se maintenir au pouvoir, tel a été l’objectif premier de l’UDC, du PLR et du PDC le 11 décembre. C’est pourquoi les VERT-E-S sont un parti gouvernemental sans conseillère fédérale. Ce qui n’est pas sans conséquence. Il nous manque des informations et le levier de l’administration, pour accélérer de l’intérieur l’urgent virage. C’est d’ailleurs pourquoi les autres partis ne veulent pas nous confier de responsabilité gouvernementale. Nous devons être d’autant plus revendicateurs de l’extérieur. Nous devrons déployer de gros efforts de persuasion pour défendre chaque amélioration. A cet effet, nous avons besoin de vous toutes et tous ! Les sections, les nouveaux membres, les vétérans, les élues et élus dans les différents gouvernements et parlements, la super-équipe du secrétariat. Engageons-nous partout pour un bon climat.
Nous sommes minoritaires. Si nous voulons atteindre quelque chose, nous devons agir de manière ciblée. Nous avons rapidement besoin en tout premier lieu d’une nouvelle loi sur le CO2. Et une loi qui résiste au référendum que risque de lancer l’UDC. Sur cette base, nous allons bâtir – comme un millefeuille. Nous voulons réorienter les investissements de la place financière vers le renouvelable, décarboniser les transports, renforcer l’économie circulaire. Jusqu’à ce que nous arrivions à la neutralité carbone. La justice climatique, tel est notre objectif.
Nous ne réussirons que si les grévistes du climat continuent à faire pression, comme avec la « Grève pour l’Avenir » le 15 mai. Nous ne réussirons que si nous nous adressons directement aux gens de la campagne et de la ville. Par chance, nous vivons dans une démocratie. Mais il n’existe pas de raccourci. Nous devons nous poser les questions critiques, nous devons discuter de solutions concrètes, mais aussi des soucis réels, et ce partout : dans les salles de restaurant ou de gymnastique, dans les expositions commerciales ou au marché. Un de ces soucis – que j’entends de manière récurrente – est celui du coût du tournant climatique, notamment dans les transports, pour les personnes au revenu modeste. Un souci que nous prenons au sérieux. La politique climatique doit toujours être une politique sociale. Le OUI à l’initiative pour des logements abordables le 9 février est un premier pas important.
Mais ne soyons pas dupes : de nombreuses peurs et soucis sont alimentés à dessein, afin de défendre le statu quo. A coup d’intox, de caricatures et des millions d’Herrliberg. Cette arrière-garde conservatrice veut s’approprier notre avenir. Nous ne pourrons par conséquent pas faire l’économie de remonter les bretelles à ces propagandistes de contre-vérités. Nous en aurons amplement l’occasion lors de l’initiative de résiliation de la libre circulation des personnes ou lors du référendum contre la loi sur le CO2 que l’UDC menace de lancer. Voici deux votations très importantes de cette année. Nous devons les gagner et nous les gagnerons.
Chères Vertes, chers Verts, grâce à la victoire historique du 20 octobre, nous avons aussi la chance de donner un coup d’accélérateur à des réformes en faveur du climat social. Nous voulons renforcer l’égalité en rendant l’imposition individuelle. Nous voulons combler les inacceptables lacunes dans les rentes des retraitées. Nous voulons combattre la pauvreté infantile dans le pays le plus riche du monde. Nous voulons – 23 ans après – enfin instaurer le mariage pour tous et toutes. Nous voulons donner le droit de vote à 16 ans. Nous voulons stopper les exportations d’armes. Bref : nous allons faire tant et si bien que les murs vont se mettre à trembler.
Les attentes sont grandes. Mais la dynamique, le potentiel de notre parti le sont aussi. En mars, l’assemblée des délégué-e-s élira la nouvelle présidence. Les VERT-E-S entament une nouvelle étape. La nouvelle présidence va – avec vous – non seulement se lancer dans la réalisation de notre programme électoral, mais fixer également de nouveaux axes à long terme.
Pour moi, le compte à rebours a donc commencé. Il me reste exactement deux mois de présidence. Ce que j’ai pu – avec vous – faire bouger ces 8 dernières années, m’a enrichie et comblée. Notre parti n’a jamais été aussi fort : quelque 11’000 membres, des esprits novateurs, des réseaux actifs, un nombre record de sièges dans les parlements cantonaux – mais rien ne vous empêche de le dépasser cette année lors des 8 élections cantonales. Car il y a toujours de la marge pour progresser. Mais une chose est sûre pour moi. La source la plus importante de nos succès, c’est notre humanité. Et il y en a à profusion chez les VERT-E-S. Nous nous respectons les uns les autres – même en cas de désaccord, nous apprenons les uns des autres, nous nous soutenons, nous disons ce que nous pensons et vivons ce que nous disons : diversité, respect et durabilité. Continuons sur notre lancée, chères Vertes, chers Verts. Perçons le béton !