« D’abord ils nous ignorent, ensuite ils nous raillent, puis ils nous combattent et enfin nous gagnons » : ces paroles de Gandhi résument les différentes phases du mouvement anticolonialiste indien. Les Verts connaissent bien ce mécanisme. Tout au long de notre histoire, on nous a sans cesse ignorés et raillés. Pendant des semaines, les médias de Blocher ont traité Elisabeth Ackermann, candidate verte qui vient d’être élue au gouvernement de Bâle-Ville de « sympathique professeure de guitare ». Sexisme structurel, comme le vivent quotidiennement de nombreuses femmes en Suisse. C’est absolument inacceptable et quelle misère pour ce pays. Je suis par conséquent fière que les Verts aient toujours eu une longueur d’avance sur les questions d’égalité. Fière qu’ils défendent et défendront bec et ongles les droits des femmes comme partie intégrante des droits humains.

Mais la population bâloise ne s’est pas laissée embobiner par les discours haineux de la droite. Elle n’a pas voté le sexisme, ni le démantèlement de l’instruction publique, ni la fracture sociale, ni le clientélisme ou le copinage des partis de droite. Non, le 23 octobre, elle a élu Elisabeth Ackermann au gouvernement cantonal au premier tour. Elle a renforcé les Verts et le PS en leur offrant davantage de sièges au Parlement. Et, aujourd’hui, nous avons le plaisir de féliciter personnellement la nouvelle conseillère d’Etat bâloise !

Les Verts bâlois ont centré leur campagne sur l’ouverture. Ouverture envers la pluralité et la diversité du genre humain. Ouverture envers des solutions qui vont au-delà de l’idéologie dominante – on peut aussi parler d’ouverture face à « l’innovation ».

L’ouverture des Verts est aux antipodes d’une nouvelle forme de défense spirituelle du pays, qui s’implante en Suisse et qui trie les habitantes et habitants de notre pays en bonne et mauvaise citoyenne et citoyen. Après l’UDC, ce virus a désormais contaminé les dirigeants du PDC. Dans un récent entretien, leur président, Gerhard Pfister, nous a exhorté à raviver l’identité chrétienne de la Suisse. L’islam, en tant que religion, n’a pas de place dans son Etat confessionnel chrétien. Quant au judaïsme, il n’en fait au mieux qu’« indirectement » partie.

Qu’un président d’un parti gouvernemental traite les musulmans et les juifs d’êtres de seconde zone, c’est non seulement choquant mais cela détruit également notre identité. Car la tolérance religieuse fait partie de l’histoire suisse. En effet, la séparation séculaire de l’Eglise et de l’Etat fait partie de l’histoire suisse. La diversité du genre humain, alliée aux droits fondamentaux universels et inconditionnels, fait partie de l’histoire suisse : elle est même au cœur de la démocratie moderne.

 

Monsieur Pfister devrait peut-être relire une fois la Constitution fédérale. Par exemple l’article 8 sur l’égalité des droits : « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d’une déficience corporelle, mentale ou psychique » ou l’article 15 sur la liberté de conscience et de croyance : « Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté. »

On ne peut être plus clair. Quiconque utilise une discussion sur l’identité pour remettre en question les valeurs universelles que sont la liberté et l’égalité, avance sur un terrain glissant. Il se range dans la lignée de dogmatiques pseudo-religieux et nationalistes, qui ont inventé l’idéologie du « peuple homogène », de la « vraie » religion, de la famille « naturelle » et de la nation « authentique ». Cette politique du tri et de la ségrégation est dangereuse : l’histoire nous l’a assez montré. Elle est complètement liberticide et enferme les personnes dans des stéréotypes et des préjugés. Chères Vertes, chers Verts, ce n’est pas notre voie.

Pour nous les Verts, une discussion autour des valeurs ne peut pas commencer avec le foulard et finir avec la burka. A l’heure actuelle, elle doit poser des questions toute différentes. Des questions comme l’équité, la sécurité sociale et la démocratie à l’ère de la globalisation. Ou des questions comme le maintien de nos conditions d’existence. Et c’est justement ici que nous, les Verts, nous proposons des solutions : avec l’économie verte, avec l’initiative pour des aliments équitables et avec l’initiative pour une sortie programmée du nucléaire. Pour cette dernière, les signes sont heureusement aussi encourageants : lors des derniers sondages, 58 pourcent des électrices et électeurs du PDC se sont prononcés en faveur de la sortie programmée du nucléaire d’ici 2029. Le PDC genevois approuve l’initiative, le directeur de l’énergie de la ville de Berne et ancien secrétaire général du PDC, Reto Nause dit Oui à notre initiative et de nombreux anciens parlementaires PDC disent également Oui, de Judith Stamm à Jacques Neirynck. Pourtant les dirigeants de leur parti, et probablement leurs délégués aujourd’hui, se situent à l’autre bord et veulent retarder la sortie du nucléaire jusqu’à ce que les exploitants tirent eux-mêmes la prise. Je n’ose pas imaginer ce qui peut se passer d’ici là. Car nous le savons : on ne peut jamais débrancher une centrale nucléaire trop tôt, mais seulement trop tard.

« D’abord ils nous ignorent, ensuite ils nous raillent, puis ils nous combattent et enfin nous gagnons ». Si on prend cette affirmation de Gandhi au sérieux, l’initiative pour une sortie programmée du nucléaire peut gagner. La campagne des opposants devient de plus en plus grinçante et totalement hors des faits et de la réalité. C’est pourquoi les 4 prochaines semaines jusqu’à la votation ne seront pas une promenade de santé, mais un travail ardu avec des chances de succès.

Nous avons besoin de vous toutes et tous, afin d’informer la population et de réduire à néant les contre-vérités du lobby nucléaire. L’initiative pour une sortie programmée du nucléaire n’est pas un contre-projet à la stratégie énergétique, mais complète la stratégie sur un point essentiel. Elle garantit d’une part qu’on ne laissera pas fonctionner nos cinq centrales nucléaires indéfiniment… jusqu’au prochain accident grave. Elle garantit d’autre part que l’on tirera la prise de nos cinq centrales de manière planifiée. Car une sortie du nucléaire non planifiée n’est pas une sortie du nucléaire, mais une décision à l’aveuglette, qui menace la sécurité de la population, une promesse de gouffre financier et un risque de paralysie « à la Swissair ». Nous en saurons plus tout à l’heure grâce à l’exposé de l’expert financier indépendant Kaspar Müller.

Au lieu d’engloutir toujours plus d’argent dans la poursuite d’une exploitation dangereuse, les Verts veulent investir dans l’avenir. Plus de 50 000 projets d’énergie renouvelable attendent de remplacer le courant nucléaire. Un Oui à l’initiative crée la sécurité nécessaire pour planifier et investir. Un Oui renforce en outre les entreprises énergétiques locales, surtout l’hydraulique. Aucun pays n’est aussi bien placé que la Suisse pour effectuer le tournant énergétique. C’est enfin le moment d’avancer.

Les Bâloises et Bâlois nous ont montré dimanche dernier comment transformer un fort vent contraire en vent favorable. La victoire électorale à Bâle est un signal important pour nous les Verts. En effet, elle confirme la courbe ascendante de 2016. Lors des élections communales, les Verts ont gagné partout : de nouveaux sièges à l’exécutif ou au parlement, comme à St-Gall, Wil, Langenthal, Bienne ou Emmen. Les Verts ont même obtenu 24 pourcent de mandats supplémentaires dans les communes vaudoises. Et lors des élections cantonales, les Verts sont restés stables, à part à Schaffhouse, où la scission des Vert’libéraux a brouillé les cartes. En Argovie, malgré le retrait de Susanne Hochuli, populaire conseillère d’Etat, nous avons pu conserver nos 10 sièges au parlement cantonal.

Les bonnes nouvelles ne sont pas qu’électorales, en matière d’alliance les choses bougent également. De plus, la semaine passée, les Jeunes Verts ont déposé leur initiative en faveur de logements sans mitage du territoire. Dans le canton de Berne, les Verts ont pu stopper le démantèlement des réductions de primes d’assurance. Et partout, nous luttons contre des politiques financières et fiscales ravageuses. Des politiques qui économisent dans la formation, la sécurité sociale, la santé ou l’aide au développement, mais dilapident les deniers publics dans la construction routière ou l’armée. La semaine prochaine sera dominée par l’opposition à l’accord sur le commerce des services TISA, que Johann Schneider-Ammann veut signer en décembre.

Dans toutes les questions internationales, nous travaillons en étroite collaboration avec les Verts des autres pays. C’est pour moi un très grand plaisir de pouvoir accueillir aujourd’hui la coordinatrice des Global Greens, Keli Yen. Sur tous les continents, les Verts luttent en faveur de la protection climatique, d’une agriculture durable, des droits humains et du commerce équitable. « First they ignore you, then they laugh at you, then they fight you, then we win ». Je me réjouis de mener avec vous de nombreuses campagnes victorieuses !

Discours présidentiel (PDF)