Anne Mahrer, que représente pour vous le verdict de la CEDH ? 
Ce verdict historique est une avancée majeure pour les droits fondamentaux et la protection du climat. Il pointe le non-respect par la Suisse de ses engagements climatiques. Il confirme le devoir d’un État de protéger sa population contre les effets néfastes du changement climatique sur la vie, la santé et la qualité de vie. Ce verdict rappelle l’urgence d’agir afin de ne pas faire porter le poids de l’inaction par les générations futures. 

Comment avez-vous vécu ce moment où la Cour vous a donné raison ? 
Nous avons vécu ce moment d’une intensité rare sous l’œil des médias du monde entier comme l’aboutissement d’un marathon judiciaire de 8 ans. Alors que nous n’avions pas été entendues par nos autorités et les tribunaux suisses, la CEDH a confirmé que la protection du climat est un droit humain. Nous sommes fières d’avoir ouvert la voie et écrit l’histoire.

En quoi cette victoire est-elle porteuse d’espoir ? 
Cette victoire contribue à élargir le champ des possibles en matière de droits humains. La CEDH consacre un nouveau droit des individus à une protection effective par les États des effets du réchauffement climatique. Cette décision fait jurisprudence et concerne les 46 pays du Conseil de l’Europe. Cet arrêt contraignant doit faire bouger la Suisse.  

Que retenez-vous de ces huit ans de combat ? 
Que l’âge n’est pas un obstacle pour s’engager et gagner ! L’intérêt que notre action judiciaire a suscité, dès 2016, ne s’est jamais démenti. Nous avons répondu à des sollicitations bien au-delà de nos frontières : interventions lors d’évènements, articles dans les médias, interviews, réalisations de documentaires, publications prochaines de livres.  

Le Parlement appelle au rejet de ce verdict. Décourageant ?  
Après 8 ans de marathon, notre détermination reste intacte face au vent contraire qui souffle au Parlement. Nous allons suivre de près la mise en œuvre par le Conseil fédéral de ce verdict historique et continuer à répondre aux sollicitations qui nous arrivent chaque jour. 

https://ainees-climat.ch 

 

Le Parlement appelle le Conseil fédéral à ne pas respecter l’arrêt de la CEDH. A-t-il le choix ?

Le point avec Raphaël Mahaim, conseiller national VD et avocat des Aînées pour le climat. 

« La pitoyable déclaration du Parlement n’y change rien : les arrêts de la CEDH sont contraignants pour les États qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’Homme. La Suisse n’échappe pas à cette règle.

Si un pays n’exécute pas un arrêt de la Cour, il y a deux sortes de conséquences possibles. D’une part, le Comité des ministres – un organe politique représenté par un ministre de chaque État, Ignazio Cassis pour la Suisse – est autorisé à rappeler un pays à ses obligations. La CEDH peut être saisie pour constater une nouvelle violation de la Convention découlant de l’absence de mise en œuvre d’un arrêt. D’autre part, dès lors que cet arrêt crée un précédent, chaque tribunal suisse est tenu de le respecter et de le faire respecter. En clair : si la Suisse n’agit pas, elle pourrait être condamnée par n’importe quel tribunal du pays. On pourrait donc imaginer une avalanche de nouveaux jugements en cas d’inaction de la Suisse. »