Pour une issue Verte à la crise ! 

(Le discours écrit et prononcé font foi)

Il y a des moments dans l’histoire, ou en politique, où il faut prendre une décision. Des moments, où il faut remettre l’acquis en question. Des moments, où nous sommes renvoyé-e-s à nous-mêmes. Des moments, où il faut remettre «l’habituel train-train» en question. Des moments, où nous empruntons – ensemble – de nouvelles voies. 

Chères Vertes, Chers Verts,
Cari Verdi 
Liebe GRÜNE

Ces dernières semaines, nous avons – toutes et tous – vécu de tels moments. Je suis heureux que nous puissions, ici à Brugg, nous revoir pour la première fois, même si nous devons garder nos distances et nous passer des traditionnelles accolades.

Même les controverses politiques sont reparties de plus belle. C’est pourquoi, d’entrée de jeu, je vous lance – à vous toutes et tous – un appel: prenez très au sérieux la votation de septembre. Engagez-vous. A l’heure actuelle, on ne peut pas se fier à des pronostics datant de plus de 6 mois. Beaucoup de choses peuvent changer. Pour le meilleur ou pour le pire!

Nous devons donc nous engager… pour dire NON à l’initiative de résiliation et au démantèlement de la protection des salaires. NON à la loi d’abattage. Et NON au bonus fiscal pour les familles aisées. Et cet après-midi disons également clairement NON aux milliards pour des avions de combat superflus mais OUI au congé paternité.

Je comprends tout à fait que l’on aimerait laisser ces temps difficiles derrière soi. Et que tout redevienne comme avant. Notez que ces appels me font parfois aussi un peu peur. Et je m’inquiète: est-ce que nous devenons trop rapidement trop imprudents?

Quoiqu’il en soit, l’impact de cette pandémie va encore se faire sentir longtemps. L’ouverture, à elle seule, n’est pas la panacée. Des secteurs économiques entiers se trouvent toujours au bord du gouffre. Pour les gagne-petit, 80% d’indemnité sur leur maigre salaire en cas de réduction de l’horaire est tout bonnement insuffisant. De plus, comment gérer les milliards dépensés à juste de titre pour faire face à la pandémie? Cette question va considérablement marquer la marge de manœuvre que nous aurons au cours de cette législature.

Si ce sont les partisans et partisanes de davantage d’austérité ou d’une politique des caisses vides, qui l’emportent, alors nous ferons définitivement fausse route.

Car, nous, les VERT-E-S, nous pensons que nous devons mettre à profit cette crise. La mettre à profit pour une transformation socio-écologique. Nous luttons pour que l’après-Covid soit plus Vert que l’avant. Pour y parvenir, il nous faut – en tant que société – investir pour l’avenir. C’est exactement ce que vise notre Green New Deal.

S’il y a une leçon à tirer de ces derniers mois, c’est que nous devons apprendre des occasions ratées en matière de transition Verte au cours de ces dernières années. La question est simple: voulons-nous investir l’argent une fois ou deux fois? Si nous investissons pour reconstruire l’ancienne économie grise, nous devrons investir une deuxième fois pour la nécessaire transition, pour rendre notre système économique Vert, plus résistant et solidaire. Investissons donc à bon escient dès le début afin de donner à l’économie un fondement plus Vert, plus solide et davantage porteur d’avenir !

Nous vivons un moment décisif. Et nous devons le mettre à profit. C’est exactement ce que vise notre Green New Deal.

Nous avons présenté – début août – notre plan pour un bilan climatique positif. Comme il fallait s’y attendre, les réactions n’ont pas manqué. Pour la droite, nos revendications sont irréalistes: trop vite, trop cher, beaucoup trop à la fois.

«Rythme infernal des VERT-E-S» a titré le Tages-Anzeiger. Il précise: «Les VERT-E-S peuvent compter sur les arguments scientifiques pour accélérer le rythme de la protection climatique. Mais la réalité est parfois différente. » (traduction interne)

Oui, c’est vrai. Et c’est justement pourquoi nous devons augmenter la pression. Ne serait-ce que pour que les mesures déjà décidées ne soient pas édulcorées, mais rigoureusement mises en œuvre!

Prenons, concrètement, l’exemple de la réduction à long terme du CO2 pour les voitures: les importateurs continuent à vanter les «tanks urbains» au lieu des voitures légères, petites et sobres. Ils doivent donc payer des amendes pour excédent d’émissions. Or, la réponse ne doit pas être – comme le veut la droite – de les libérer de ces amendes. Bien au contraire, dans ce cas, il faut les augmenter. Car une réduction à long terme qui n’est pas mise en œuvre, ne réduit rien à long terme.

Mais cette semaine, notre plan a également essuyé des critiques, non seulement de la droite, mais de voix inhabituelles. Les Jeunes Vert-e-s, mais aussi la grève du climat, nous reprochent de ne pas être assez ambitieux et notre plan pas assez rapide.

Cette controverse est importante et nous la prenons au sérieux. Pour moi, une chose est claire: les VERT-E-S défendront toujours, chaque pas qui nous rapprochera du but, chaque pas qui renforcera la justice climatique, chaque pas menant à un bilan climatique durablement positif en Suisse.

C’est d’ailleurs pourquoi notre plan n’est pas une «Bible», mais un document de travail. Et nous invitons toute personne ayant à cœur une politique climatique déterminée à l’améliorer.

Mais j’aimerais également rappeler une chose: il ne suffit pas de débattre – de manière déterminée et passionnée – à quelle vitesse il faudrait atteindre théoriquement zéro émission nette. Non, il nous faut lutter surtout ensemble de manière tout aussi déterminée pour chaque pas concret dans cette direction. Car, en fin de compte, la protection climatique ne se fait pas à coup de disputes sur un nombre d’années, mais en s’engageant ensemble pour des mesures très concrètes. Chaque tonne de CO2 fossile, qui n’est pas «expulsée» dans l’air, est un pas dans la bonne direction. Chaque tonne de CO2 fossile, qui est émise, un pas dans la mauvaise.

Mais je retiens volontiers une chose de ces critiques. Et de cela, j’en suis moi-même convaincu: la politique a beau être l’art du possible, elle doit aussi être l’art de rendre possible. Pour les VERT-E-S, faire de la politique signifie aussi que nous voulons rendre l’inimaginable, imaginable et l’imaginable, possible.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous contenter de discuter des solutions techniques. Nous devons aussi discuter de la société que nous voulons construire. Quels sont nos objectifs? Que signifie vraiment la prospérité? Comment stopper notre société du tout-jetable dans sa dérive si préjudiciable? Et comment créer ensemble démocratiquement une société qui mise sur la solidarité, et non sur la concurrence, une société dont la jauge est la satisfaction et non l’excédent de biens matériels, «la qualité avant la quantité».

Il y a des moments dans l’histoire, ou en politique, où il faut prendre une décision. Nous sommes à un tel carrefour. Les VERT-E-S veulent aller de l’avant, vers un avenir plus Vert. A l’opposé, les partis de droite croient que l’on peut continuer «l’habituel train-train». Continuer à surexploiter la population et la nature. Continuer à repousser ce que les scientifiques ne cessent de démontrer ces dernières années. Continuer à repousser l’urgence de la transformation, du tournant climatique, de la sortie des énergies fossiles: pétrole, gaz et charbon.

Nous n’avons pas besoin d’une foi aveugle en la science. Mais ce dont nous avons besoin, c’est d’être prêts – et prêtes – à nous confronter aux résultats du GIEC et des scientifiques. C’est d’être prêts – et prêtes – à remettre en question nos propres croyances, notre propre idéologie. L’idéologie que «consommer plus» nous donne satisfaction. L’idéologie qu’une croissance économique illimitée est possible, voire souhaitable.

Car, il y a des limites. Il y a des limites à la croissance. Et elles ne disparaissent pas, lorsque nous fermons les yeux. Philip K. Dick, auteur étatsunien de science fiction aurait dit un jour: «La réalité c’est ce qui continue d’exister lorsqu’on cesse d’y croire

Elle est là, cette réalité préoccupante de la crise climatique. Qu’on y croie ou non. Tout comme la réalité de la crise du Covid. Et celle-ci nous a montré que d’énormes ressources – individuelles et collectives – peuvent être mobilisées en cas d’urgence. De manière tout aussi déterminée, nous devons mettre en œuvre des solutions très concrètes à la crise climatique… pas à pas, pour éviter une catastrophe. Mettons-nous en route, avec un Green New Deal socio-écologique.

Car, si tout reste tel quel, il ne restera bientôt rien tel quel.

discours présidentiel (PDF)