En faisant son « brexit », le Conseil fédéral a opté pour une voie néo-libérale teintée de souverainisme !
Nicolas Walder à propos de l’échec des négociations relatives à l’accord institutionnel avec l’UE
En enterrant l’accord institutionnel, le Conseil fédéral a rompu avec la politique de renforcement des liens avec l’Union Européenne, à la base de la voie bilatérale en vigueur depuis le début des années 2000. C’est en fait un mini-Brexit auquel nous avons assisté ce mercredi 26 mai 2021. Mais contrairement à Londres, la version Suisse s’est faite sans aucun débat démocratique car ni la population, ni même le parlement, n’a pu se prononcer.
S’appuyant sur l’avis d’un peuple qu’il n’aura jamais pris la peine de consulter, le Conseil fédéral a décidé seul de rompre les négociations au risque d’altérer fortement nos relations avec notre plus grand partenaire culturel et économique. Il a pris seul le risque de voir le quotidien de notre population, de notre économie et de nos PME se dégrader, en particulier dans les zones frontalières comme Genève ou Bâle.
L’UDC et ses alliés de circonstance ont gagné, et ce sans combattre !
Les dictatures de tout poil peuvent aussi se réjouir car la division des pays démocratiques est leur cheval de bataille. C’est même une politique affichée de celles et ceux qui, comme la Chine, entendent redéfinir le droit international et les règles d’un État de droit.
Et pour eux, l’Union européenne est l’ennemi à abattre. L’Union européenne qui travaille à unifier les positions de ses 27 pays membres tout en réaffirmant ses valeurs humanistes face aux dérives homophobes de certain.e.s. L’Union européenne qui, par son poids économique et politique, s’impose de plus en plus comme un acteur incontournable. L’Union européenne qui, à travers son parlement et sa commission, est aux avant-postes en matière de défense du droit international et des droits humains et n’hésite plus à prendre des sanctions à l’encontre des gouvernements illégitimes tels ceux du Belarus ou du Myanmar. L’Union européenne qui ose désormais remettre en question des accords économiques s’ils ne sont pas accompagnés d’un minimum de respect du droit international, à l’instar du refus du parlement européen à 599 voix contre 30 de ratifier l’accord sur les investissements avec Pékin.
Nos voisins européens se profilent de plus en plus comme les forces les plus progressistes au monde. Des forces qui, avec l’Amérique de Biden, ont compris qu’elles devaient renforcer leurs collaborations pour défendre la démocratie, l’ordre libéral et les droits humains.
Bien sûr l’Union européenne n’est pas encore complètement sortie de son rôle de gardienne de l’orthodoxie néo-libérale. Mais la tendance est marquée et il ne fait aucun doute que le rééquilibrage de ses priorités vers une Europe plus éthique, sociale et écologique est appelé à se poursuivre.
C’est à l’aune de ce contexte que doit s’analyser la décision du Conseil fédéral. Ce Conseil fédéral qui n’arrive pas à finaliser une négociation avec l’Union européenne mais multiplie les accords commerciaux avec des Etats très peu regardants sur les droits humains, sociaux et environnementaux.
Se rapprocher encore plus de la dictature chinoise comme décrit dans sa stratégie tout en s’éloignant de l’Union européenne, voici les plans de celles et ceux, au Conseil fédéral et ailleurs, qui rêvent d’une diplomatie de type « singapourienne », axée exclusivement sur la concurrence et la cupidité. Des plans qui n’intègrent pas les millions de tibétain.e.s et Ouïghour.e.s qui hantent les camps d’internement. Des plans qui ne s’encombrent pas de justice sociale et fiscale, ni de règles environnementales. Des plans pour qui le respect du droit international n’est, de loin, pas une priorité. Des plans qui n’intègrent pas non plus le sort des salarié.e.s de notre pays.
Face aux enjeux tant socio-environnementaux que géopolitiques de ce siècle, notre Conseil fédéral a claqué la porte au forces démocratiques, humanistes et solidaires pour se tourner vers une vision néo-libérale teintée de souverainisme très éculée.
Il est maintenant temps pour les forces d’ouverture et de progrès de faire entendre leurs voix en s’engageant activement dans le renforcement de nos liens avec toutes les démocraties libérales à travers le monde, en commençant par nos ami.e.s européen.e.s.