Discours présidentiel Adèle Thorens – 16.04.2016
Discours présidentiel Adèle Thorens – Assemblée des délégué-e-s du 16 avril 2016, Zofingen (AG).
Chères Vertes, chers Verts, liebe Grüne, cari Verdi,
Voilà, c’est mon dernier discours en tant que co-présidente des Verts suisses. Après quatre années aux côtés de Regula Rytz à la coprésidence, et six années comme membre de la direction des Verts suisses, je ne me représente pas à un mandat supplémentaire. Vous allez aujourd’hui nommer une nouvelle direction, au sein de laquelle Jo Lang et Robert Cramer seront également remplacés, et dont Regula Rytz assumera la présidence.
Pendant ces quatre dernières années, l’équipe sortante n’a pas chômé. Nous avons déposé pas moins de trois initiatives populaires : pour la sortie du nucléaire, pour une économie verte et pour des aliments équitables. Les deux premières ont suscité des contre-projets que nous nous sommes efforcés d’améliorer au parlement. Malheureusement, celui sur l’économie verte fut enterré en décembre dernier et la stratégie énergétique, si elle apporte des progrès indéniables en matière climatique et de promotion des énergies renouvelables, est insuffisante sur la fermeture de nos vieilles centrales. Nous voterons donc en septembre sur notre initiative pour une économie verte, puis sur celle pour la sortie du nucléaire.
Ces initiatives nous ont permis de renforcer notre leadership sur les dossiers environnementaux. Aujourd’hui, 67 % des personnes interrogées par le sondage GFS considèrent que les Verts sont le parti le plus compétent et porteur de solutions en matière environnementale. Cela ne nous a certes pas aidé lors des dernières élections, diront des voix chagrines. Oui, c’est vrai. Mais les Verts ne sont pas un parti de girouettes. Qu’elles soient dans l’air du temps ou pas, la sortie du nucléaire, la préservation du climat ou la gestion durable des ressources sont les grands enjeux de ce siècle et leur impact dépasse largement le domaine environnemental. De tels enjeux doivent être affrontés avec cohérence et détermination, même par vents contraires. C’est ce que nous faisons.
C’est aussi avec cohérence et détermination que nous avons défendu notre position humaniste, en nous engageant sans concession pour les droits humains, alors que nous traversons une crise humanitaire majeure et que la fermeture et le déni des libertés fondamentales menacent notre pays. Ici comme en matière environnementale, ce sont les générations futures qui nous jugerons et les Verts refusent de se soustraire à leur regard. Même si nous avons du travailler dans un contexte particulièrement difficile, nous avons d’ailleurs obtenu des succès devant le peuple en faveur d’une autre Suisse, respectueuse et ouverte sur le monde, avec le refus des Gripen et de l’initiative Ecopop.
A l’interne, enfin, nous avons modernisé le parti en réformant complètement ses statuts, ce qui a permis de rapprocher les directions des partis cantonaux des Verts suisses et de simplifier les processus de décision. Les premiers résultats de ce rapprochement ont été l’adoption d’une nouvelle identité visuelle, plus fraiche et dynamique, mais surtout commune à tous les partis cantonaux, ainsi que la réalisation d’une campagne électronique coordonnée qui nous a positionnés comme le parti le plus actif sur les réseaux sociaux.
A titre plus personnel, j’aimerais dire quelques mots sur l’expérience de la coprésidence. Les Verts font de la politique autrement et considèrent qu’un autre rapport au pouvoir est possible. C’est ce que nous avons montré Regula et moi pendant ces quatre années, en partageant la présidence. Or, nous avons pu le constater, cela reste un acte révolutionnaire pour beaucoup. Que n’avons-nous pas entendu : « Quoi, deux femmes dirigent ensemble ? Mais, c’est qui le vrai chef ? Est-ce qu’elles ne vont pas se disputer ? Quoi, elles décident ensemble ? Hein ? Elles écoutent les autres ? Mais, elles ne font pas la grosse voix ? Elles ne coupent pas la parole ? Non ! Elles refusent de faire de la polémique, elles ne jouent pas leur rôle dans le spectacle ! Hein ? Elles veulent parler des contenus ? ». Chères Vertes, chers Verts, voilà ce que j’ai appris, entre autres, pendant cette coprésidence : au XXIème siècle, pour incarner le pouvoir en politique, il faut crier plus fort, gonfler les pectoraux, décider tout seul, polémiquer plutôt que s’attaquer aux vrais problèmes. Manquer de respect est un plus. Correspondre aux stéréotypes masculins aussi. Heureusement, il s’est également trouvé des gens pour reconnaître la dimension innovante et constructive de notre travail, pour comprendre que l’on est plus intelligent à plusieurs, que le dialogue permet de déboucher sur des décisions plus fondées et solides, et pour savoir que ce modèle novateur de management se développe partout, dans les collectivités publiques, dans les ONG et même dans les entreprises. Chers Vertes, chers Verts, notre engagement pour une autre manière de faire de la politique, participative, factuelle, rationnelle et respectueuse, orientée sur la recherche de solutions plutôt que sur l’entretien des peurs et des conflits, est plus nécessaire que jamais. Refusons d’entrer dans le moule ! Imposons notre style, renversons les préjugés, changeons les règles ! Ce n’est pas une question anodine : le populisme et la politique-spectacle portent chaque jour atteinte à notre démocratie.
Chère Regula, je voudrais te remercier du fond du cœur pour cet engagement que nous avons mené ensemble au service des Verts, avec le soutien précieux de nos collègues de la direction, de l’équipe du secrétariat et de nos partenaires cantonaux et associatifs. Un engagement sous le signe de la confiance, du respect et de la solidarité. Je sais que tu continueras à mener notre parti avec la compétence, la juste vision et l’intégrité que j’ai pu expérimenter à tes côtés et que tu seras entourée d’une belle équipe renouvelée, qui t’accompagnera dans cette tâche. En tant que romande, je suis particulièrement heureuse à l’idée que cette équipe comportera certainement, avec Lisa Mazzone, une femme aussi jeune que talentueuse, et, avec Gerhard Andrey, un brillant entrepreneur, représentant de l’économie verte, mon dossier-phare depuis tant d’années.
Continuons à faire de la politique autrement, chères Vertes, chers Verts. Continuons à défendre une société et une économie plus responsables et plus durables. Je le ferai désormais, avec plus de temps et de disponibilité pour mes dossiers, comme conseillère nationale, mais aussi comme vice-présidente du groupe des Verts, aux côtés de Balthasar Glättli et de Christine Häsler. Mais je le ferai aussi, encore et toujours, avec vous, sur le terrain, en particulier dans le cadre des campagnes qui nous attendent sur l’économie verte et la sortie du nucléaire. Les dernières nouvelles sont bonnes : les Verts vaudois viennent de progresser de 24% aux élections communales et les derniers résultats en Thurgovie, à Bâle-campagne, au Tessin, à Fribourg, St-Gall ou Schwytz sont encourageants. Nous avons aussi gagné des votations, à Berne sur les primes des caisses maladies et à Bâle-ville contre la spéculation immobilière. Notre travail porte ses fruits. Merci à toutes et à tous pour la confiance que vous m’avez accordée et pour votre engagement.