Chères Vertes, chers Verts, liebe Grüne,

Cette dernière législature a été particulière, un peu comme une parenthèse. 2011 a vu l’émergence du nouveau centre et, avec lui, la possibilité de créer des majorités progressistes. Le Conseil fédéral, avec Evelyne Widmer Schlumpf, était aussi plus ouvert à nos idées. Peu après Fukushima, tous les partis, à l’exception de l’UDC, ont dit vouloir sortir du nucléaire. Les Verts n’ont pas hésité et se sont engouffrés dans la brèche. Pendant plusieurs années, nous avons mené un travail constructif en commission, créant des ponts et des solutions de compromis avec les autres partis progressistes pour faire avancer la stratégie énergétique. Le Conseil fédéral a proposé un contre-projet à notre initiative pour une économie verte. Là aussi, nous nous sommes engagés de manière constructive, avec le soutien des milieux économiques concernés. Nous avons aussi obtenu des succès dans la lutte contre le mitage du paysage, en révisant la loi sur l’aménagement du territoire. En matière économique, les Verts ont aussi pu aller de l’avant, notamment avec la réforme du système financier et du secret bancaire.

Nous y avons cru et nous nous sommes engagés sérieusement pour trouver des solutions au parlement. Mais l’embellie a été de courte durée. Dès 2015, le ton a changé. Economiesuisse a commencé à lutter par tous les moyens contre l’économie verte. Ceux qui avaient promis de s’engager pour la sortie du nucléaire après Fukushima ont tourné leur veste. Le contre-projet pour une économie verte et la Stratégie énergétique ont été peu à peu vidés de leur substance. Les attentats de Paris, le franc fort et la crise des réfugiés ont tout balayé et fait sombrer le parlement dans la fermeture et le conservatisme.

Malgré tous nos efforts, nous avons perdu les élections. Pourtant, le fait que nous ayons perdu les élections ne signifie pas que nos vieilles centrales nucléaires ne sont plus dangereuses. Cela ne signifie pas que notre surconsommation de ressources n’est plus un problème. Cela ne signifie pas que les enjeux climatiques sont résolus. Cela ne signifie pas que l’insoutenable crise humanitaire qui touche les réfugiés est résolue. Cela ne signifie pas que l’isolationnisme ou les atteintes aux libertés fondamentales, aux droits humains et aux minorités peuvent être balayés du revers de la main.

Chers Vertes, chers Verts, notre responsabilité est plus grande que jamais et nous ne nous laisserons pas affaiblir dans nos valeurs et dans nos engagements. Nous avons tous été dans la rue pendant ces derniers mois. Eh bien nous allons y rester et c’est là que nous mènerons désormais nos combats ! Nous serons toutes et tous dans la rue pour une autre Suisse, une Suisse ouverte et humaniste ! Nous serons toutes et tous dans la rue pour léguer à nos enfants une Suisse libérée du nucléaire et respectueuse de l’environnement !

A vrai dire, la rue, nous ne l’avons jamais quittée. En novembre, nous déposerons notre troisième initiative populaire en quatre ans, pour des aliments équitables. Pendant la dernière législature, nous nous sommes battus dans la rue, pour éviter un énième durcissement de la loi sur l’asile. Nous nous sommes aussi battus dans la rue, et là nous avons gagné, contre la prolifération des résidences secondaires et contre le Gripen. Cet engagement va continuer et il sera plus fort que jamais. Nous récoltons actuellement des signatures contre la surveillance de masse et l’Etat fouineur. Nous nous joindrons aux grandes manifestations accompagnant la Conférence mondiale de Paris sur le climat, en Suisse et sur place. Nous nous battrons en mars contre le doublement du tunnel du Gothard. Et nous mènerons l’an prochain nos deux initiatives populaires devant le peuple, pour sortir du nucléaire et réduire notre empreinte écologique à une seule planète !

Mais pour pouvoir gagner ces combats, nous devons tirer les leçons de la défaite essuyée lors des élections. Le 28 novembre prochain, nous nous réunirons avec les présidents et les secrétaires généraux des partis cantonaux pour en parler. Deux éléments nous semblent d’ores et déjà essentiels. Pendant cette campagne, malgré une campagne forte tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux, et malgré la mobilisation massive de nos militants, nous ne sommes pas parvenus à imposer les thèmes environnementaux auprès des électeurs. Même si nous les avons maintes fois dénoncés, le démantèlement de la Stratégie énergétique ou les graves problèmes de sécurité posés par la centrale nucléaire de Beznau n’ont pas ému les foules. Malgré la canicule et la future Conférence de Paris, le thème du climat, sur lequel nous avons pourtant été très actifs, n’a pas mobilisé les électeurs. Nous avons d’autre part échoué à faire passer notre message humaniste sur l’asile face à l’offensive de l’UDC, malgré une ligne très claire et ancrée dans la tradition humanitaire de notre pays. La direction des Verts suisses est déterminée à affronter, avec votre aide, ces deux défis et à leur apporter des réponses.

Ce travail est indispensable, car nous voterons l’an prochain sur des questions environnementales cruciales, avec nos deux initiatives. La question des droits fondamentaux sera elle aussi, malheureusement à nouveau sur la table, suite aux attaques incessantes de l’UDC, que ce soit via l’initiative pour le renvoi effectif des étrangers criminels ou, s’il aboutit, le référendum sur la loi sur l’asile. Nous ne voulons pas perdre devant le peuple face à de tels enjeux et nous nous engageons devant vous à tout mettre en œuvre pour tirer les leçons de notre défaite d’octobre.

Deux vastes chantiers – au moins – nous attendent. Nous devons tout d’abord repolitiser l’écologie pour mobiliser nos sympathisants potentiels, car les écogestes, même réalisés au quotidien dans la sphère privée, ne suffiront pas pour réaliser le tournant énergétique ou pour réduire notre empreinte écologique à une seule planète. Nous avons besoin de décisions politiques fortes pour cela et notre tâche est d’en convaincre les citoyens. Nous devons ensuite trouver de nouvelles voies pour faire passer notre message humaniste, dans un contexte où, malgré un vaste élan de solidarité, une partie importante des citoyens a cédé à la peur et à la fermeture, sous l’influence du discours populiste de l’UDC.

Chères Vertes, chers Verts, votre direction entend assumer ses responsabilités et nous n’aurons pas de repos, tant que nous n’aurons pas trouvé des réponses à ces questions, tant que nous n’aurons pas pu redresser la barre. Mais c’est aussi avec vous, que nous voulons avancer. Ce dialogue commence aujourd’hui, avec un moment d’échange consacré aux élections, puis un débat sur la sortie du nucléaire, qui annonce la future campagne que nous mènerons ensemble pour notre initiative. Je vous remercie de tout cœur pour votre engagement et je me réjouis de partager cette journée avec vous.

Discours présidentiel (PDF)