Combien de morts faut-il encore en Méditerranée pour amener l’Union européenne (UE) et la Suisse à repenser leur politique ? Il s’agit actuellement de sauver des vies en Méditerranée. Le dernier drame de la migration en mer était malheureusement prévisible. Lorsqu’en 2013, 400 migrantes et migrants ont en peu de temps perdu la vie en pleine mer, l’Italie a lancé l’opération « Mare Nostrum ». Grâce à elle, 2 500 personnes réfugiées ont été sauvées de la mort, parfois par une aide active près des côtes africaines. Le manque de soutien financier de la part de l’UE a conduit il y a plus d’un an à mettre un terme à « Mare Nostrum ». L’UE a alors mis en place l’opération « Triton », qui n’avait plus comme priorité de sauver les migrants en mer mais de renforcer l’agence Frontex et la protection des frontières européennes : l’accès
par la Méditerranée devait à nouveau être implacablement verrouillé. L’aide ne devait être assurée qu’à proximité des côtes européennes.
Cette année, ce sont déjà 1 700 personnes qui ont péri dans leur fuite. La mort il y a une dizaine de jours de 800 migrantes et migrants, parmi lesquels de nombreuses femmes et des enfants, a secoué l’Europe et la Suisse. Mais en comparaison avec d’autres catastrophes, on n’a guère eu en Europe le sentiment de deuil. Est-ce parce qu’il s’agit d’hommes et de femmes dont la fuite vers l’Europe est considérée comme une menace, et ceci pas uniquement par la droite ?

Le sommet européen de jeudi dernier s’est limité à tripler les moyens de l’opération « Triton». Ce résultat a été à raison vivement critiqué par les organisations d’entraide et des droit humains. La décision signifie en effet que la Forteresse Europe, contre laquelle les Verts s’insurgent
depuis sa mise en place, est maintenue. Il s’agit en premier lieu d’empêcher les passeurs d’effectuer la traversée. L’aide reste limitée aux zones proches des côtes européennes. Personne ne conteste que les trafiquants d’êtres humains doivent être poursuivis et punis.
Toutefois, tout passeur n’est pas un criminel. Car les personnes réfugiées et migrantes n’ont pas d’autre moyen d’arriver en Europe que grâce à l’aide d’un passeur. L’UE pense-t-elle sérieusement que les passeurs cesseraient de mettre en danger des réfugiés si les opérations
de sauvetage étaient supprimées ? La fin de l’opération « Mare Nostrum » a conduit à une augmentation de la vague migratoire, et non pas à sa diminution. La dissuasion n’a donc eu aucun effet. Le spécialiste des flux migratoires, François Gemenne, a récemment déclaré à ce
sujet dans le Tagesanzeiger, que nous aurions le même nombre de migrantes et migrants avec des frontières ouvertes, et tous seraient vivants. Avec des frontières fermées, une partie d’entre eux meurt. C’est là toute la différence. Par conséquent, la forteresse européenne doit immédiatement s’ouvrir, du moins en partie, en jetant des « ponts ». Les migrantes et les migrants doivent pouvoir trouver leur chemin
vers l’Europe et la Suisse ! La majorité des personnes qui sont actuellement en fuite sont, selon notre loi sur l’asile, de vrais réfugiés en provenance de régions en guerre. Lorsque l’UDC et les rédacteurs en chef à sa botte contestent la détresse de ces personnes, cela ressemble à
un mépris de la dignité humaine. Entre-temps, il apparaît clairement que l’UDC veut supprimer le droit d’asile de manière générale, au moins pour les personnes d’autres cultures ! La manière dont la majorité de la Suisse voit la chose dépend essentiellement du sort d’une
gauche qui ne cède pas d’un pouce face à la xénophobie.

Il faut pour cela un programme bien ficelé : formation par le Conseil fédéral d’une cellule de crise avec la participation des ONG compétentes ; mise sur pied de conditions-cadre pour prévoir l’accueil d’au moins 30 000 réfugiées et réfugiés de guerre ; réintroduction de la procédure
d’asile en ambassade par un arrêté fédéral urgent, ainsi que le renoncement à la procédure de Dublin vis-à-vis des réfugiées et réfugiés de guerre en provenance de la région méditerranéenne. Dans tous les cas, les 3 000 réfugiés syriens que le Conseil fédéral a d’ores et
déjà décidé d’accueillir, doivent à présent pouvoir venir sans tarder. Il faut également que le Conseil fédéral s’engage auprès de l’UE pour que celle-ci accueille un nombre sensiblement plus élevé de réfugiées et réfugiés et pour qu’une nouvelle opération « Mare Nostrum » soit
mise en place sans attendre et que les moyens financiers nécessaires à son soutien soient débloqués.

Déclaration (PDF)