« Protéger la confiance dans la démocratie »
Le 6 août, la Confédération annonce qu’elle s’est trompée de plusieurs milliards dans ses projections financières pour l’AVS. Les VERT-E-S décident alors de recourir contre la votation AVS21, acceptée à une courte majorité (50,5%) sur la base de chiffres erronés et qui voit l’âge de la retraite des femmes augmenter à 65 ans. Interview de Léna Nussbaumer-Laghzaoui et Camilla Jacquemoud, les avocates qui ont pris en main cette procédures.
Pourquoi avoir accepté de préparer et déposer le recours contre AVS21 pour les VERT-E-S ?
Le recours des VERT-E-S contre les graves irrégularités affectant la Réforme AVS 21 est à notre sens une démarche nécessaire pour protéger la confiance du peuple dans le système démocratique suisse.
Quel a été votre plus grand défi en rédigeant ce recours ?
Le délai pour saisir le gouvernement cantonal est de trois jours à compter de la découverte du motif du recours, ce qui est extrêmement court, en particulier dans une affaire fédérale d’une telle envergure. Lorsque l’OFAS a annoncé son erreur et que les VERT-E-S nous ont contactées, nous avons entamé la rédaction des recours de plus de 35 pages, toute affaire cessante, pour les déposer le 9 août.
Vous avez d’abord dû adresser ce recours dans les cantons (GE et ZH) puis au Tribunal fédéral (TF). Pourquoi ?
Selon la loi fédérale sur les droits politiques, le gouvernement cantonal est compétent en première instance pour connaître d’un recours touchant à une votation, quand bien même celle-ci est fédérale. Nous avons donc d’abord dû saisir les Conseils d’État genevois et zurichois avant le TF, même si ces deux instances n’avaient d’autre choix que de rendre une décision formelle d’irrecevabilité.
Les VERT-E-S ont déposé leurs recours aux côtés de quatre femmes : deux à Genève, canton romand où l’AVS 21 a été largement refusée, deux à Zurich, canton alémanique où la réforme a été acceptée.
Où en est-on dans cette procédure ?
Le TF nous a transmis les déterminations du Conseil fédéral sur notre recours, et nous disposons désormais d’un bref délai pour répondre à notre tour. Au vu de cette cadence rythmée, une décision du TF avant la fin de l’année (et avant le relèvement de l’âge de la retraite des femmes) reste possible.
Pensez-vous que nous obtiendrons gain de cause et que le résultat du vote sera annulé ?
Les chances de succès sont très difficiles à évaluer, compte tenu du caractère inédit de la situation. Le TF a déjà annulé un scrutin fédéral (initiative Pour le couple et la famille – Non à la pénalisation du mariage) en 2019 dans des circonstances similaires : erreurs de calculs et faible écart de voix, mais l’initiative avait été rejetée et n’était donc pas entrée en vigueur. Dans notre affaire, nous plaidons que la gravité des irrégularités dénoncées et leur influence sur le résultat de la votation sont telles, que le fait que la Réforme AVS 21 ait été acceptée par le peuple et déploie déjà une faible partie de ses effets depuis le 1er janvier 2024 ne doit pas empêcher une annulation du vote.
Si le vote est annulé revoterons-nous sur le projet ?
Le TF ne peut qu’annuler la votation litigieuse et n’a pas la compétence d’ordonner un nouveau scrutin. En cas de victoire, le Conseil fédéral décidera de la suite : resoumettre le projet au vote ou présenter un nouveau projet à l’Assemblée fédérale.