La destruction de documents concernant l’affaire Tinner représente une atteinte grave à la séparation des pouvoirs. Le Conseil fédéral a fait disparaître précipitamment des documents liés à une procédure pénale en cours en outrepassant ses compétences. Le Ministère public de la Confédération, quant à lui, a prouvé une fois de plus son incompétence en se soumettant aux ordres, contraires à la Constitution et à la loi, du gouvernement. Le Conseil fédéral ne peut pas non plus justifier cette violation évidente de la Constitution par son droit de veto sur certaines procédures pénales. Qui plus est, en faisant détruire ces documents, le Conseil fédéral n’a-t-il pas commis un acte répréhensible? En effet, en agissant ainsi, n’a-t-il pas soustrait à la justice des preuves permettant de poursuivre non seulement Tinner, mais aussi toute autre personne impliquée dans cette affaire ?

Les questions soulevées démontrent la nécessité de faire toute la lumière sur ce grave incident politique. Le groupe parlementaire des Verts propose l’intervention d’une Commission d’enquête parlementaire CEP. Mettre sur pied une CEP est le seul moyen de faire face à cette affaire. Seule une CEP dispose des instruments adaptés permettant au Parlement de mener une enquête indépendante et peut avoir accès aux preuves et auditionner les témoins. Eclaircir cette affaire de façon neutre et sans égards pour aucune des parties permettra de montrer au Conseil fédéral quelle est la bonne attitude à avoir face aux Etats-Unis.

La destruction des documents de l’affaire Tinner confirme ce que Dick Marty, rapporteur du Conseil de l’Europe, nommait « l’obéissance servile » aux Etats-Unis en rapport avec les vols secrets de la CIA. L’explication donnée vendredi dernier par le conseiller fédéral Pascal Couchepin ne convainc personne. Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ne contient aucune disposition autorisant la destruction de documents liés à une procédure pénale en cours. Cette subordination à la seule grande puissance, qui ne respecte ni les droits humains ni le droit international, n’est malheureusement pas un cas unique. Pour preuve la transmission illégale à la CIA, par des officiers suisses, de plans de bunker que les Etats-Unis ont ensuite utilisé dans leur campagne d’Irak. L’accord sur la lutte contre le terrorisme, refusé par les Verts, ou le renouvellement de l’autorisation de survol pour les avions américains, malgré les vols illégaux de la CIA, sont autant d’exemples qui démontrent que notre neutralité et notre souveraineté ne semblent pas s’appliquer aux Etats-Unis !